Cette falaise longe la rue Saint-Jacques sur une longueur de 4 kilomètres entre le CUSM et l’avenue Brock sur le versant sud-ouest du mont Royal dans le quartier Notre-Dame-de-grâce. Cet endroit est aujourd'hui en voie de réadaptation avec l’ambition d’en faire un des grands parcs naturels de Montréal. Ce secteur de la ville a déjà eu des heures plus glorieuses.
On raconte même qu’il était un endroit presque paradisiaque. Au pied de la falaise, on pouvait voir le petit lac Saint-Pierre. Les premiers habitants de ces terres ont installé leur maison à proximité de cette falaise non seulement pour les terres fertiles à proximité mais aussi pour la vue magnifique sur le sud. Sur le fleuve qui se profile à l'horizon, on pouvait voir les gros bateaux à leur arrivée et le lever de soleil. Par la suite, Le Canadien National y a bâti des installations ferroviaires. Puis, la ville de Montréal a racheté des terrains de ce secteur pour tenter de le revitaliser, mais par manque de fonds, les projets ont été abandonnés et les terrains ont subi des déversements illégaux de matières toxiques et de déchets industriels et ménagers.
C’est sur les cartes de 1702, que l’on peut imaginer cette dépression rocheuse sous le nom de Côteau Saint-Pierre ou Côte Saint-Pierre, mais il n’y a pas de mention à proprement dit d’une dénivellation. Il y a certainement eu, à différentes époques, du remblayage notamment avec le sol extrait lors de la construction de l’autoroute Décarie. Il semble que certains sondages du sol indiquent qu’à certains endroits, les remblais puissent atteindre de 6 à 29 mètres de hauteur.
Au bas de la falaise, il y avait un lac de bonne dimension qui était alimenté par la rivière Saint-Pierre à l'ouest ainsi que par les eaux de ruissellement de la falaise sous forme de cascade sur la paroi rocheuse. Contrairement à la falaise Saint-Jacques qui apparaît tardivement sur les cartes, le lac à la Loutre ou le petit lac Saint-Pierre fait son apparition beaucoup plus tôt sur les cartes.
Il était jadis la plus grande étendue d'eau à l'intérieur de l'île de Montréal. Avant l'arrivée des Européens, les rives du lac sont cultivées par les Autochtones. De plus, les gens pouvaient transiter rapidement d’ouest en est par cette voie navigable et ainsi éviter les obstacles occasionnés par les rapides de Lachine. Sur le plan de 1702, un moulin est mentionné à l’embouchure du lac et, très tôt, les seigneurs désirent creuser un canal pour contourner les rapides de Lachine. Le canal de Lachine sera l'aboutissement de ce projet qui visait à établir un lien permanent de navigation stable pour un commerce durable.
Vers 1834, on retrace des informations mentionnant que le lac Saint-Pierre est asséché ce qui correspond à l’époque de construction du canal Lachine.
Selon les relevés, on décrit un lac qui passe de l’état de marécage jusqu'à un assèchement total. Lorsque le Canadien National s'est installé sur le terrain, on suppose que le lac aurait pu être remblayé par des sédiments rocheux générés par l’excavation du canal Lachine.
Vers 1867, la rivière Saint-Pierre est un vestige du lac qui s’y trouvait jadis. Selon les cartes, la rivière poursuivra son cours sinueux à travers la cour de triage du CN jusqu’à sa canalisation avec des muret et son ultime transformation dans l’égout collecteur. En 2003, le site de la cour de triage est vendu au gouvernement du Québec qui projette d’y construire une nouvelle autoroute.
Malgré toutes ces modifications en surface, la composition des dépôts meubles du sol constitue la principale trace de l’ancien lac.
L'Homme a toujours cherché à modifier son environnement pour l'adapter à ses besoins d'occuper un territoire défriché avec des terres facilitant l'agriculture. Bien qu’on ne sache pas précisément ce qui est arrivé au lac Saint-Pierre, on peut imaginer qu’il était devenu un obstacle au développement du territoire particulièrement lorsque sa rivière n’avait plus d’utilité avec la construction du canal Lachine.
En redirigeant l’eau de la rivière vers la canal Lachine, on a probablement contribué à l’assèchement de tout le terrain au bas de la falaise où était située la gare de triage Turcot, puis où passe maintenant à l'autoroute du Souvenir. À Montréal comme ailleurs, on a peu conscience de la morphologie du territoire car il a tellement été modifié avec le temps. Pour ce qui est de la falaise Saint-Jacques, il s’agit encore d’un des éléments presque naturels qui montre la toponymie des lieux de l’époque de la colonisation. De cet endroit, en regardant au pied de la falaise, on peut imaginer ce grand lac décrit par les Autochtones, c’est-à-dire un grand lac entouré de sol cultivé qui longe des escarpements rocheux avec des végétaux qui tapissent la falaise et des cascades qui évacuent l'eau de ruissellement de la montagne.
Pour le futur de cet endroit, on sait qu’un projet de parc nature permettra de relier le parc de la falaise avec les terrains vagues qui se trouvent de l’autre côté de l’autoroute du Souvenir. Pour se faire, on installera un pont qui enjambera l’autoroute pour permettre l’accès au sud du parc en toute sécurité. De ce côté, on envisage aussi de faire un petit lac pour rappeler le lac Saint-Pierre.
La prochaine fois que vous visiterez le secteur, laissez-vous rêver à la vision d’un lac magnifique qui a déjà longé cette falaise.
Texte et recherche Jonathan Buisson
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_%C3%A0_la_Loutre_(Montr%C3%A9al)